Dans le programme d’Emmanuel Macron figure des dispositions pour les auto-entrepreneurs. Actuellement, tout micro-entrepreneur dont le CA annuel qui ne dépasse pas le seuil des 82.800 euros pour la vente de marchandises, ou 33.100 euros pour une prestation de service bénéficie du régime microfiscal (formalité de création d’entreprise allégée et surtout franchise de TVA) et microsocial (acquittement forfaitaire des cotisations sociales sur la base d’un pourcentage du chiffre d’affaires). Emmanuel Macron propose que ces plafonds soient portés respectivement à 165.600 euros et 66.200 euros. Par ailleurs il propose de supprimer le RSI, pour avoir une seule gestion par le régime général. Ces mesures pour la croissance vont certainement produire une accélération du nombre d’auto-entrepreneurs.
Etre indépendant, est-ce un avantage ?
La notion d’indépendants ou de freelance est toujours vu avec un certain doute, notamment parce que nous sommes encore très conditionnés par la relation salariale. Cependant l’évolution du monde du travail et l’appétence de la nouvelle génération pour une relation au travail reposant sur de nouveaux paradigmes conduit à s’interroger sur la pertinence des barrières qui ont été historiquement définies pour séparer ce qui relève de la relation salariale ou non et sur les différents statuts du « travailleur ».
La relation salariale s’effectue dans un lien de subordination
Le contrat de travail établit ce lien qui entraine des droits et des obligations réciproques. en revanche, si l’activité professionnelle n’est pas effectuée dans le cadre d’un contrat de travail mais sous forme de contrat de prestations de services, elle n’exclut pas la reconnaissance a posteriori d’un lien de subordination. Cela ouvre la porte à un contentieux pour travail dissimulé et/ou délit de marchandage exposant le donneur d’ordres. Les conséquences tant financières que pénales peuvent être si lourdes, que chaque entreprise veille particulièrement à ce que les relations de sous-traitance soient bien réalisées sans lien de subordination et à ce que le prestataire indépendant conserve la possibilité de développer une clientèle multiple ne le mettant pas sous lien de dépendance économique.
La relation de sous-traitance s’effectue dans un cadre commercial avec un donneur d’ordre
Les termes de sous-traitance et de donneur d’ordre font référence à des termes juridiques, mais sont de moins en moins le reflet de la réalité de la collaboration. L’expert qui possède un savoir-faire particulier n’a pas le sentiment d’être dans une relation de « soumission » vis à vis d’un donneur d’ordre. Il conviendrait mieux de parler de client et de prestataire dans un schéma de co-traitance dans lequel chacun apporte son expertise pour permettre la réalisation du projet. Cette approche se développe de plus en plus dans les espaces de co-working au sein desquels se nouent des relations d’affaires au travers de rencontres fortuites qui séduisent la nouvelle génération.
En fait être indépendant c’est quoi ?
C’est choisir son lieu de travail, ses horaires de travail, son organisation du travail et même ses outils de travail. C’est une nouvelle forme de liberté permettant d’ajuster au mieux vie professionnelle et vie privée selon les besoins de chacun. L’étude réalisée par Hopwork et Ouishare apporte un éclairage sur la réalité du travail des freelances, notamment sur la question du libre choix. L’étude montre que 90% des freelances le sont par choix. L’image du freelance qui choisit ce statut faute d’avoir un contrat de salarié est donc battue en brèche. Certains freelances cumulent volontairement ce statut avec une activité de salarié. 28% des freelances dans l’étude Hopwork déclarent avoir aussi une activité salariée. C’est le cas notamment des salariés qui développent progressivement une activité de freelance avant de faire le « saut ».
Le développement des plateformes
La mise en relation des indépendants avec leurs clients s’effectuent parfois par des plateformes. Les plus connues sont Uber pour le transport, Stuart ou Delivroo pour les livraisons de repas. Un autre type de plateforme se développe, notamment avec Hopwork qui met en relation plus de 40.000 freelances avec des entreprises clientes. C’est aussi Timefunding qui et en relation des experts (timefunders) avec des startups. La plateforme affirme avoir plus de 1000 timefunders et presque 300 startups inscrits.
Le statut des freelances est en construction
Créé en 2008, le régime d’auto-entrepreneur répond bien pour le démarrage d’une activité alliant des contraintes réduites en matière de formalisme (structure d’exercice, comptabilité, franchise de TVA). Pour autant il conviendrait de construire un socle de droits commun à toutes les activités, qu’elles soient avec un statut de salarié ou non. La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite “Loi travail”, participe à cette évolution en assurant la mise en place du CPA (Compte Personnel d’Activité) et la couverture pour les déplacements dans le cadre des livreurs qui ont une activité distribuée par une plateforme. La question de la dépendance peut faire aussi l’objet d’un débat. En France il est fréquent pour un donneur d’ordres de vérifier que le sous-traitant n’a pas une dépendance supérieure à 40%. En Espagne ce seuil est fixé par la loi à 50%. Il y a aussi la question de l’arbitrage pour ceux qui dépendent fortement d’une plateforme. Ainsi Uber a-t’il été conduit à rendre plus transparente sa procédure en cas de rupture du contrat commercial, avec une possibilité de recours. Enfin la question de la couverture prévoyance (accident, maladie, frais de santé) peut aussi se poser. Les propositions de Jacques Barthélémy et Gilbert Cette sont intéressantes pour alimenter le débat, qui ne manquera pas de rebondir dans les prochaines semaines à l’aune des réformes en droit du travail annoncées par le nouveau Président de la République.
Cet article a été écrit avec la collaboration de Maitre Frédéric Zunz (cabinet Montecristo). Si ce sujet vous intéresse vous pouvez apporter un commentaire ou partager l’article.
Etude Hopwork – Ouishare mars 2017 Le freelancing en France
Travailler au XXIe siècle de Jacques Barthélémy et Gilbert Cette Editions Odile Jacob janvier 2017
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Quelques chiffres sur les freelances: les « iPros » (Independant Professionals) représentent jusqu’à 25% des actifs dans certaines professions. Leur croissance est depuis 2004 très significative, avec une hausse de 45% en moyenne pour l’ensemble de l’Union Européenne, soit 8,9 millions en Europe en 2013 (source European Forum of Indépendant Professionals). En France ils sont actuellement 830.000 (source Eurostat) leur nombre a plus que doublé en 10 ans. Le nombre de consultants, développeurs, graphistes, experts marketing freelances a été multiplié par 3 en 10 ans.