“En 2017, comme les années précédentes, l’emploi reste la grande priorité …” C’est la phrase d’introduction, lors de l’Université d’Eté du Medef le 30 août 2017, de la table ronde “L’emploi, l’emploi, l’emploi” animée par Marc Landré, rédacteur en chef au Figaro .
Nous pensons un moment que le temps s’est figé. Nous nous retrouvons pour la 19ème fois au même endroit, pour reparler des mêmes sujets, avec les mêmes déclarations. L’apprentissage n’est pas une voie de garage, il faut lui redonner ses lettres de noblesse … Le marché du travail est trop rigide, il faut plus de flexibilité. Les politiques sont toutes les années venus pour déclarer que c’est leur priorité, que des décisions fortes et nouvelles allaient être prises. Pourquoi, presque 20 ans plus tard, en sommes nous encore à faire les mêmes constats ?
Qu’est-ce qui cette année est au final différent et pourquoi devrions-nous avoir confiance ?
J’ai collecté quelques témoignages et prises de parole qui donnent envie d’y croire.
Karien van Gennip, CEO ING Bank, ancienne ministre du gouvernement Danois a expliqué la réussite Danoise avec un très faible taux de chômage (4,2%) par des importantes réformes il y a plus de 10 ans et une grande stabilité au niveau de la réglementation. Par exemple à la sortie des études les étudiants sont embauchés presque systématiquement en CDD pendant un an. Cela donne pour le salarié, comme pour l’entreprise le temps de s’assurer que l’emploi correspond à la motivation et au potentiel. Le résultat: un très faible taux de chômage des jeunes diplômés, alors qu’en France nous avons un taux de 25% chez les moins de 25 ans. Autre exemple, la perte d’emploi n’est pas vue comme un échec et le salarié qui est en recherche d’emploi n’est pas un “loser”, il est orienté très rapidement sur une formation qui lui permet de retrouver rapidement une activité.
Christophe Catoir, Président France d’Adecco Group, a insisté sur les changements de métiers qui se transforment, pour la plupart sans disparaitre. Ce n’est pas pour demain, c’est aujourd’hui. Il faut donc investir fortement dans la formation pour acquérir les nouvelles compétences. Il a souligné le problème de l’orientation scolaire qui dirige des jeunes vers des formations sans débouchés. Christophe Catoir a aussi insisté sur l’importance de l’apprentissage et annoncé l’initiative “Global Apprentice Network”, avec l’objectif d’atteindre un taux de 10% d’alternants en France.
Le président d’ABB, Ulrich Spiesshofer dans un pitch sur ce que les entreprises mondiales attendent de la France, a développé l’importance de l’innovation. Les deux pays (Japon et Allemagne) qui ont les taux les plus élevés de robots par rapport au nombre d’employés sont aussi les pays avec les taux de chômage parmi les plus faibles. L’innovation est créatrice d’emplois.
Dans la table ronde “Libérez l’entreprise”, Patrick Pouyanné, PDG du Groupe Total, s’est adressé aux entrepreneurs pour leur dire qu’il ne fallait pas tout attendre de l’état. L’entreprise doit réinvestir le champ de la formation et se donner des moyens. Il a notamment rappelé les engagements de Total avec l’Ecole de la seconde chance pour les personnes très éloignées de l’emploi et les embauches pour apporter du service dans les stations essence. “Les stations ne sont pas seulement des lieux pour acheter du carburant, mais il y a aussi des services de proximité qui peuvent être assurés”.
Emmanuel Faber, DG de Danone, considère que l’entreprise doit évoluer au niveau de son statut juridique. La finalité, l’objet ne peut pas être seulement au regard d’une rentabilité pour les actionnaires. L’entreprise doit produire de la valeur au niveau social et sociétal. Les dirigeants doivent être aussi comptables des résultats dans ces domaines. Il a pris pour exemple le nouveau statut juridique aux Etats Unis, en application d’une loi en Californie en 2011, qui permet de rendre responsable les dirigeants de l’impact social et sociétal en complément de la performance financière. Emmanuel Faber, Patrick Pouyanné et Nathalie Subler (DG de Transavia) ont modifié l’intitulé de leur table ronde, en indiquant qu’il préféraient parler de “Libérons l’entreprise”, qui s’adresse à des collectifs avec l’engagement des salariés, au lieu d’une demande à un tiers, en l’occurrence l’Etat.
Pour autant l’Etat a aussi ses responsabilités et Christiane Lambert, présidente de la FNSEA a insisté sur la nécessité dans un marché unique d’avoir des règles uniques. En Allemagne 70% des salariés dans les abattoirs sont des travailleurs détachés ! Cela a eu un impact très important sur toute la filière en France, avec des fermetures d’abattoirs et des élevages trop éloignés des lieux d’abattage.
Pour compléter ces témoignages, je vous invite à lire la récente étude de France Stratégie sur la question du recrutement et des politiques d’emploi. Le bilan rejoint les débats qui ont eu lieu à l’Université d’Eté. ” … force est de constater que les plans massifs de formation et l’élévation du niveau de diplôme ont eu peu de prise sur le taux de chômage. Certains travaux considèrent même que les effets de ces plans sont nuls, quand ils ne conduisent pas à dégrader relativement la situation des profils les moins diplômés.” La dernière partie du rapport est intéressante en insistant sur la responsabilité des entreprises: “Cela suppose aussi que le monde de l’entreprise prenne ses responsabilités dans l’identification de ses besoins en compétences.”