Le référendum organisé par la Direction d’Air France a entrainé la démission du PDG, Jean-Marc Janaillac et plonge l’entreprise dans une crise importante. Que faut-il retenir de cette utilisation du référendum ?
Par définition le référendum est binaire, c’est oui ou non.
La négociation permet des compromis: il est possible de faire du “en même temps” avec des mesures dites équilibrées, qui mixtent des avancées sociales et des aménagements. Le référendum est par contre “brutal”. Il oppose deux clans: ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Il faut choisir et trancher ! Les salariés d’Air France devaient répondre à la question : « Pour permettre une issue positive au conflit en cours, êtes-vous favorables à l’accord salarial proposé le 16/04/2018 ? » . Sachant que les organisations syndicales s’étaient, à l’exception de deux organisations (CFDT et CFE-CGC), déclarées contre la proposition d’augmentation salariale, il était clair que ce référendum était une tentative de montrer aux syndicats majoritaires que leur position n’était pas partagée par une majorité de salariés. C’est donc au mieux une partie de poker et au pire un affrontement qui renforce l’adversité.
Quelque soit le résultat du référendum, il faut revenir à la table des négociations
Le référendum ne vaut pas accord, il faut de toute façon revenir à la négociation. En imaginant un résultat positif, il faut que celui-ci soit net avec plus de 60% pour asseoir une légitimité. Il est de toute manière très difficile, de plus dans un contexte avec des grèves dures, de revenir à une négociation dans laquelle les interlocuteurs se font confiance. Les syndicats opposés à l’accord, avaient d’ailleurs pris le soin de réfuter la légitimité du référendum. « Nous ne reconnaissons pas la légitimité de ce référendum, dont l’objet est de contourner les syndicats. Donc si les salariés refusent le projet d’accord que leur propose la direction, l’intersyndicale, dont nous faisons partie, poursuivra son action » avait déclaré Grégoire Aplincourt, président du Syndicat des pilotes d’Air France (Spaf), avant de connaître les résultats du scrutin.
Un train peut en cacher un autre !
En avril 1969, le Général de Gaulle avait expérimenté le référendum et les citoyens avaient aussi répondu à une question différente de celle posée sur la décentralisation et la réforme du sénat. Pour certains la question était plus la question du maintien ou non du Général à la Présidence de la France. Pour Air France, l’engagement du PDG de se maintenir ou de démissionner en fonction du résultat a conduit aussi les salariés à se prononcer sur la confiance dans la Direction Générale. Le mécontentement exprimé s’explique en partie par le décalage entre les augmentations du Comité de Direction beaucoup plus élevées que l’accord salarial proposé. Une nouvelle fois la confiance nécessite une certaine réciprocité et exemplarité. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les dirigeants d’Air France aient été surpris par le résultat du référendum. Cela signifie un défaut d’appréciation sur les avis des salariés et une déconnexion entre la direction générale et la base.
Le taux de participation est un indicateur très important
Le vote a été sans appel : 80,33 % des 46 771 salariés y ont participé, et 55,44 % d’entre eux ont répondu non. Cette très forte participation montre d’une part l’attachement des salariés à leur entreprise, mais le résultat crée un clivage entre deux camps, presque à égalité. Il reviendra à la nouvelle direction de communiquer sur les résultats de la compagnie, d’expliquer les choix, pour faire en sorte que chacun s’engage dans la même direction d’amélioration de la compétitivité et du partage de la valeur. Ce débat n’a pas été suffisant jusqu’à présent et l’entreprise se retrouve en crise, avec un dialogue social bloqué. C’est finalement un résultat où il n’y a que des perdants. Seule la négociation permet de revenir à une solution gagnante pour tous. Elle n’est possible qu’avec la confiance et la bonne compréhension partagée des enjeux.
Quelle leçon retenir du référendum pour résoudre une situation de crise ?
Est-ce qu’un référendum organisé auprès des salariés de la SNCF sur la réforme en cours serait une solution pour mettre fin au conflit et les grèves ? Il est certain que non, car cela cristalliserait des positions antagonistes, alors qu’une transformation d’entreprise nécessite au contraire de trouver des facteurs de cohésion et des objectif collectifs. Lorsque le dialogue social est bloqué, la solution n’est pas le référendum mais la communication encore et encore … avec à la fois la communication descendante et ascendante.