Lors de la clôture de l’Université d’Eté du Medef, le 31 août, John Chambers (CEO CISCO) a déclaré que plus de 40% des entreprises présentes dans la salle auront disparu dans 10 ans. Dans le même temps il a dit être prêt à investir tout son argent dans la France, car il a confiance. En seulement 10′, il a donné un message fort pour montrer l’importance des changements en cours, mais aussi les raisons d’être optimiste.
La disparition des entreprises ne va pas se faire par magie, avec la baguette du numérique. Il y aura quelques entreprises comme Kodak qui faute de vision seront sorties du marché, mais la plupart du temps ce seront des transformations qui vont s’opérer, comme le décrit en 1942 Schumpeter avec le concept de “destruction créatrice”. Interrogé par Hedwige Chevrillon de BFM, sur “est-ce que nous en sommes au début, au milieu ou à la fin de la révolution digitale ?”, John Chambers répond partiellement. “Cela n’est pas fini … j’ai vu beaucoup de changements en France en 10 ans … La France est la nation de l’innovation”.
Comment gérer cette transformation ?
En premier lieu, il ne faut pas confondre l’outil et l’usage. Certains ont cru que l’école pouvait devenir numérique en équipant chaque élève d’un iPad. Nous savons que cela est très insuffisant et qu’il est important d’intégrer dans les programmes la formation au codage, de former les professeurs pour faire évoluer les pédagogies avec le digital, … C’est pareil dans l’entreprise. Il ne suffit pas d’avoir dématérialisé 40% des bulletins de paie pour considérer que son entreprise est devenue numérique. Ce sont toutes nos pratiques et nos usages qui doivent être revus. Est-ce que vous êtes passé à la signature électronique du contrat de travail ? Est-ce que vous avez mis en oeuvre des moyens pour multiplier et simplifier les interactions entre les salariés et les différentes fonctions support ? Ce qui compte c’est que l’ensemble de l’entreprise soit immergée dans le numérique. Pour les services Ressources Humaines, il est impératif d’améliorer l’expérience salarié dès l’onboarding, dès l’embauche. Cette période cruciale d’intégration reste gravée dans la mémoire. Ainsi, imaginons un accueil la première journée avec la présentation de l’entreprise et de ses métiers, la remise d’une clé USB avec toutes les informations utiles, la signature électronique du contrat de travail, de la charte éthique, des documents pour la complémentaire santé et prévoyance. C’est un gain en matière de temps et d’image. La vérification peut se faire de manière automatisée et le Responsable RH peut se concentrer sur la relation humaine et non pas sur le contrôle des pièces.
En second lieu, la transformation nécessite une vision inspiratrice. Hedwige Chevrillion a demandé à John Chambers pourquoi il était prêt à investir tout son argent dans la France. Il a répondu avec plusieurs arguments, dont celui essentiel sur le leadership. “Vous avez en France des entrepreneurs”. C’est une évidence, mais parfois les managers sont focalisés sur l’exécution. L’ampleur des transformations génère des peurs. La peur de ne pas être au niveau, de perdre son emploi, de ne pas comprendre, d’être exclu … La peur n’est pas un moteur. La peur peut servir pour renforcer sa prudence, ne pas prendre trop de risques, mais elle ne pousse pas à l’action (si ce n’est parfois la fuite). Le moteur du changement c’est la confiance dans le futur, dans l’avenir. Pour cela il faut donner des raisons d’espérer, il faut donner confiance, mobiliser des équipes sur des projets.
En troisième lieu, il faut s’intéresser au capital humain avant de s’interroger sur la technologie. Les transformations en cours sont fondamentales et vont impacter des centaines de milliers d’emploi. Hedwige Chevrillon dans l’interview avec John Chambers lui a demandé de donner un chiffre sur les destructions d’emploi qui résulteront de l’automatisation et de la révolution numérique. Il y a de nombreuses études sur le sujet et des chiffres les plus fous. John Chambers a refusé de donner une estimation et a préféré répondre sur les atouts pour réussir cette transformation. Il faut s’intéresser prioritairement au capital humain, à l’éducation, la formation. La transformation ne s’effectuera pas dans un garage, un laboratoire ou en créant un espace de coworking. C’est toute l’entreprise qui doit être baignée dans cette transformation. Cela correspond d’ailleurs aux témoignages apportés par Christian Nibourel (Accenture), Gérald Karsenti (Hewlett Packard Entreprise), Jean Luc Montané (AXA) ou Marie Claire Capobianco (BNP Paribas). Ces entreprises ont mis en place des Labs, mais aussi s’efforcent de faire participer le maximum de collaborateurs à des projets et d’ouvrir l’innovation. Il s’agit dans les entreprises de permettre à chacun d’être entrepreneur. Cela est d’autant plus important que l’innovation peut venir de personnes et de profils très différents. John Staune (présent aussi à l’Université d’Eté du Medef) considère qu’il faut tout repenser. Cinq grandes révolutions sont en cours: révolution technologique, conceptuelle, économique, sociétale et managériale.
En conclusion, ce qui est intéressant ce n’est pas de répondre à la question de ce qui va disparaitre mais de s’interroger sur ce qui va apparaitre. Pour cela il est nécessaire d’investir dans le capital humain, le partage du savoir, l’envie d’entreprendre et de créer un climat de confiance. Le changement, c’est maintenant !
destruction créatrice: https://fr.wikipedia.org/wiki/Destruction_créatrice
Les clés du futur Réinventer ensemble la société, l’économie et la science. Jean STAUNE. www.plon.fr/ouvrage/les-cles-du-futur/9782259217477