Le droit à la déconnexion a été pour la première fois en France reconnu dans un accord de branche signé le 1er avril 2014 et étendu en juin de la même année. Cet accord est applicable aux salariés dont le temps de travail est décompté sous forme de forfait jours de la branche des Bureaux d’Études Techniques, des Cabinets d’Ingénieurs-Conseils et des Sociétés de Conseils (CCN 3018). La branche couvre 80.000 entreprises réalisant un CA de 120 Mds€, avec environ 910.000 salariés au total.
Le rapport de Bruno Mettling sur la transformation numérique et vie au travail (remis à Myriam El Khomri en septembre 2015) va plus loin en prenant en compte tous les salariés et non exclusivement ceux en forfait jours. Ce rapport comporte des propositions intéressantes sur l’intégration des nouveaux outils numériques et la possibilité d’associer les partenaires sociaux pour améliorer la qualité de vie au travail.
“Dès lors que le travail connecté et son articulation avec la vie privée sont une zone de tension, la mission est convaincue de la nécessité de mettre en place de manière co-construite avec les instances de représentation du personnel un droit et un devoir de déconnexion, partagé entre l’entreprise et le salarié, des actions d’éducation à l’usage des outils numériques devant être conduites pour développer des comportements de nature à se préserver des risques d’excès.”
La Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (dite Loi El Khomri) dans son article 55 prévoit:
« Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. A défaut d’accord, l’employeur élabore une charte, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Cette charte définit ces modalités de l’exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »
Cet article entre en vigueur le 1er janvier 2017.
Comment aborder la négociation ?
Le sujet est très souvent caricaturé en étant limité à la seule question de l’utilisation de la messagerie, autorisée ou non dans des plages horaires. Il serait dommage de limiter le débat à cette seule question qui pourrait d’ailleurs déboucher sur des contraintes nouvelles et pas pour autant des libertés nouvelles. La vraie question c’est celle des tensions qui peuvent être provoquées par une utilisation abusive. Il est alors plus intéressant de travailler sur l’usage et l’autonomie, ce qui revient à s’interroger sur la manière dont s’effectue la communication. Ce qui est gênant et peut procurer du stress, c’est le degré d’urgence. Ainsi recevoir un message à 20h n’est pas forcément gênant si nous n’avons pas à y répondre. Une bonne pratique peut être d’indiquer simplement “ce message ne requiert pas de réponse urgente” ou l’expéditeur peut simplement faire un envoi différé qui ne partira que le lendemain. Ce qui peut produire aussi des tensions c’est la charge de travail et le nombre de messages. Si le message nécessite seulement un accord, avec en réponse “je valide” c’est plus simple que de devoir rallumer son ordinateur pour aller trouver une information dans un dossier volumineux et qu’il faut reparcourir 120 pages. Ce n’est pas la même chose aussi si l’interlocuteur reçoit 10 messages ou 150 dans la matinée, sans savoir le degré d’urgence de chacun et la nécessité de tous les ouvrir pour savoir. Il existe d’autres façons de communiquer que par envoi de mails !
Les problèmes viennent souvent du haut !
L’exemplarité de l’encadrement est importante. Vous pouvez avoir signé un très bel accord, si l’encadrement n’est pas exemplaire cela ne sera pas appliqué. La tendance est souvent de se “débarrasser” d’un problème en envoyant un message. Cela transmet en quelque sorte la responsabilité. “Tu n’as pas vu mon message !”. “Tu es au courant, tu étais dans les destinataires !”
La négociation devra prendre en compte l’usage, les bonnes pratiques et l’évolution des outils.
Il est préférable de se situer dans une amélioration continue et de parfaire par le dialogue les méthodes ou les process. Il serait contre productif de vouloir enfermer le sujet dans la seule question des horaires. Ce qui compte c’est la liberté pour chacun de pouvoir travailler au bon moment. Cela revient aussi à se poser la question du télétravail, de la possibilité de travailler dans plusieurs lieux.
Chaque salarié peut créer des tensions ou les subir. Les managers ont une responsabilité, mais ils ne peuvent être les seuls responsables. Comme pour l’utilisation de l’open space, il faut collectivement se mettre d’accord sur des règles partagées. Cela peut se faire par une charte, un code de bonne conduite, des recommandations ou des dessins humoristiques sur ce qu’il ne faut pas faire, Qu’importe ce qui est essentiel, c’est de discuter et se mettre d’accord. Si les règles sont partagées et expliquées, cela facilitera le vivre et travailler ensemble.
La négociation d’un accord est l’occasion d’aborder le sujet de l’équilibre entre vie privée et activité professionnelle avec un engagement de la Direction et des partenaires sociaux signataires. Il est possible d’adhérer à une charte telle que celle promue par l’observatoire: http://www.observatoire-equilibre.com/charte-des-15-engagements/presentation/
Cette charte peut être d’ailleurs annexée à l’accord signé avec les organisations syndicales.
http://www.cadrescfdt.fr/actualites/loi-travail-le-droit-la-deconnexion-reconnu