La France peut-elle retrouver le chemin d’une croissance forte ?

Des chefs d’entreprise et des économistes ont débattu sur la croissance et les leviers d’actions pour l’économie française le 2 décembre, à l’invitation du Medef. Les points de vue sont parfois divergents, mais le débat permet de voir les sujets sur lesquels un consensus se forme. J’ai retenu 3 points prioritaires pour la France de demain.

Le premier porte sur l’éducation et la formation. Catherine L. Mann, Chef Economiste de l’OCDE, fait le bilan qu’une raison majeure de la faible croissance tient aux faibles gains de productivité. Pour expliquer les faiblesses de chaque pays sur les politiques structurelles qui conduisent à une amélioration ou non de la productivité, le point faible le plus important de la France est le manque de partenariat entre les universités et les entreprises. Ce point est d’autant plus crucial que les changements dans l’économie mondiale sont très liés à l’économie du savoir. Philippe Aghion professeur au Collège de France et à la London Business School souligne que notre système éducatif s’est détérioré, que notre formation professionnelle manque d’efficacité. La France a perdu 5 places dans le classement Pisa qui classe 34 pays de l’OCDE en fonctions de la mesure des acquis et compétences des jeunes de moins de 15 ans. “Lors de la dernière évaluation, menée en 2015, les élèves français de CM1 ont été testés… ils arrivent bons derniers (22e) dans l’Union européenne en mathématiques. Et se classent en avant dernière position, en sciences, devant Chypre.source Le Figaro 29 novembre 2016. Xavier Ragot, Président de l’OFCE et Professeur à Sciences Po, signale pour illustrer le propos, que le risque est de voir, à l’exemple d’Uber, des sociétés installées là où se trouve le savoir (en Californie par exemple) qui capte la valeur ajoutée avec la réalisation d’une plateforme développée par des ingénieurs. Denis Kessler PDG du Groupe SCOR, regrette qu’il n’y ait pas un seul scientifique au sein du gouvernement et souligne l’impératif d’investir massivement dans le capital humain, même si cela prendra 25 ans. Natacha Valla Professeur à Paris School of Economics, souligne que de nombreuses études économiques montrent que l’investissement dans l’éducation apporte le meilleur ratio de rentabilité (ROI), en précisant que cela est encore plus fort pour la tranche d’âge de 0 à 3 ans !

Le second point qui fait consensus porte sur l’espérance de croissance. Un certain nombre de réformes sont bloquées car elles ne sont pas comprises. L’élection de Donald Trump est en partie liée à un électorat qui s’est senti rejeté, oublié par la transformation de l’économie. Philippe Aghion insiste sur l’importance de réconcilier l’innovation avec la mobilité sociale: “toute réforme doit être inclusive, chacun doit se sentir concerné et impliqué”. Geoffroy Roux de Bézieux, Vice Président du Medef et entrepreneur, fait remarquer que nous avons un risque d’une désindustrialisation sur les territoires les plus faibles et que certaines régions vivent du transfert public. Cela est inefficace sur le plan économique et crée de la frustration avec des poches de chômage. Denis Kessler considère pour sa part que la France a déjà connu de multiples réformes, mais ce n’est pas ce qui nécessaire. Une réforme, c’est remplacer une forme par une autre forme. Quand la structure est dure, comme de l’argile cuite il faut casser pour refaire. Denis Kessler préfère parler de transformation, avec un processus permanent. Lorsque l’argile est malléable la transformation s’effectue sans casser ! “Les réformes sont tapageuses, les vraies transformations sont silencieuses”. Michel Didier Président de COE-Rexecode cite Jean Tirole, sur la croissance qui est avant tout un bien commun.

Le troisième point concerne la confiance. Michel Didier analyse les échecs des derniers quinquennats par une focalisation sur des sujets. Nicolas Sarkozy a démarré son mandat avec la loi TEPA sur le pouvoir d’achat, sans regarder la politique de l’offre. François Hollande a voulu très rapidement réduire la dette, ce qui s’est traduit par une hausse des prélèvements historique et une politique fiscale brouillonne. Actuellement se développe un sentiment de défiance vis à vis des politiques, de l’Europe et des entreprises. Cela bloque tout processus de changement. Il faut rétablir la confiance. Cela passe par une espérance de croissance (point ci-dessus) et par le fait de rendre visible la croissance. Denis Kessler considère que la croissance doit être visible pour être crédible. ce sont des grues, des constructions avec une dimension économique et d’emplois, des projets concrets (autres que des ronds points). Geoffroy Roux de Bezieux cite la région de Manosque qui valorise la Provence pour développer ses exportations, qui attire des compétences et possède un faible taux de chômage.

En conclusion, la croissance c’est: la connaissance, l’espérance et la confiance. Avec cette recette nous pourrons reprendre le chemin de la croissance.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *