Le Conseil d’Administration de Carrefour devrait voter dans les prochains jours la nomination d’Alexandre Bompard comme nouveau Président du Groupe en remplacement de Georges Plassat. Ce dernier avait redressé l’entreprise après la gestion calamiteuse de Lars Olfsson, mais il reste encore de nombreux défis à relever. J’ai fait le choix partial d’en retenir trois.
Défi n°1: redonner confiance aux équipes des hypermarchés
De 1970 jusqu’en 2000, la croissance de Carrefour a été portée par les hypermarchés. La position de leader acquise par cette expertise a conduit le Groupe à construire des magasins de plus en plus grands. Ainsi sur les 100 plus gros hypermarchés en France, aujourd’hui 36 possèdent l’enseigne Carrefour. Cela a fonctionné pendant 30 ans, mais cela ne marche plus …
Le tableau ci-après issu d’une étude de LSA montre l’évolution du chiffre d’affaires en 2016 (4ème colonne) et sur 5 ans (5ème colonne).
Ces pertes de chiffre d’affaires sont énormes et cela représente pour les 20 plus gros magasins de l’enseigne une perte annuelle de 286 millions d’euros ! Cela n’est pas spécifique à Carrefour, puisque l’enseigne AUCHAN subit la même tendance. Lars Olofsson avait lancé un énorme programme (Planet) pour “ré-enchanter” l’hypermarché. Le résultat a été catastrophique ! L’explication est la baisse de fréquentation des très grands magasins au profit des magasins de proximité et du E-Commerce. Les clients ne viennent plus en famille le samedi pour les courses rituelles et vont préférer faire les courses en semaine, en privilégiant la rapidité et la proximité. Ces baisses de chiffre d’affaires ont au fil des années fait douter des équipes dans les magasins, avec des effectifs en réduction pour s’adapter à la situation commerciale et des intéressements à des niveaux de plus en plus faibles. Le défi sera de redonner confiance, sans donner des illusions. Pour réinventer l’hypermarché, il faudra peut être lui donner une taille plus réduite en laissant une part de l’espace dédié au non alimentaire à d’autres acteurs qui savent mieux faire et ont une plus forte légitimité. Il faudra aussi compter sur les équipes qui ont la capacité de porter des innovations, notamment sur la relation client.
Défi n°2: développer le E-Commerce
Carrefour réalise seulement 1,1 milliard de ventes sur le Web sur 40 milliards de chiffre d’affaires total en France. Alors que les parts de marché en prenant en compte les ventes des magasins, place Carrefour en leader ou légèrement derrière Leclerc suivant les mois, le Groupe Carrefour est en 8 ème position sur le E-commerce. La fréquentation moyenne journalière des sites de E-Commerce de Carrefour est de 1 million, quand Amazon totalise 3,7 millions ! Depuis 1999, Carrefour a raté presque tous les virages. En 2001 Carrefour arrête brusquement l’expérience @Carrefour et lance un plan social. Entre 2004 et 2010, Carrefour se cherche en différenciant le site alimentaire et le site non alimentaire. Il aura fallu attendre l’arrivée de Georges Plassat pour avoir une vraie vision, qui s’est notamment traduite par le rachat de Rue du Commerce pour essayer de rattraper le temps perdu. Par comparaison le Groupe Casino (beaucoup plus petit que Carrefour) qui a été plus constant sur le E-Commerce avec C Discount réalise un CA trois fois supérieur.
Avec des ventes sur le E-Commerce qui progressent d’environ 15% par an (tous commerçants confondus), il est clair qu’Alexandre Bompard devra réussir ce deuxième défi.
Défi n°3: poursuivre la modernisation de la logistique et unifier l’informatique
Georges Plassat avait engagé un vaste programme (nommé en interne Caravelle) pour moderniser et automatiser les centres logistiques. Ce chantier est important pour mieux servir le E-Commerce, les magasins de proximité en croissance et pour faire économiser des centaines de millions d’euros. Ce chantier doit s’achever en 2018 et les gains permettront d’investir dans des baisses de prix indispensables pour reprendre des parts de marché à Leclerc.
17 ans après la fusion Carrefour Promodes, l’unification des systèmes informatiques n’est pas achevée et ce chantier qui est souvent le talon d’Achille des distributeurs a lourdement pénalisé Carrefour pour innover. Dans la nouvelle économie, ce n’est plus le plus gros qui mange le petit, c’est le plus lent qui se fait manger par le plus rapide.
Espérons que le nouveau Président de Carrefour saura redonner de la vitesse au Groupe en donnant confiance aux équipes. Les défis sont importants, les conséquences notamment sociales en cas d’échec risquent d’être très lourdes.
Lars Olofsson décide d’arrêter le programme Planet avant de quitter Carrefour