En juillet dernier, le Président de la République a proposé aux partenaires sociaux d’ouvrir une négociation sur les règles d’indemnisation de l’assurance chômage. Syndicats et patronat ont donc rendez-vous fin août pour entamer la concertation sur la lettre de cadrage de cette négociation. Au menu figureront notamment des « objectifs d’évolution des règles de l’assurance-chômage » pour qu’elles incitent plus à reprendre un emploi, ce qui revient à travailler sur les deux paramètres clés: la durée et le montant des indemnisations. Il est question aussi de taxer les contrats courts, ceux-ci étant coupables aux yeux de certains d’alimenter le chômage, avec une prise en charge par le régime des périodes de non emploi entre deux contrats. Cette tentation de régler un problème par une taxation ou une gestion paramétrique n’apportera pas une véritable réponse à la question du niveau de chômage trop élevé en France, pour essentiellement deux raisons.
La taxation aura pour effet d’augmenter le coût du travail, mais aura aucun effet sur le nombre de contrats courts et sur le chômage.
A ce jour les CDD sont déjà plus couteux que les CDI par la prime de précarité et le taux des cotisations sociales. Cela n’a pas pour autant eu d’effet sur l’évolution du nombre de contrats courts. En 2013, le gouvernement a voulu « réguler » le recours des employeurs aux ruptures conventionnelles, avec l’application dès le premier euro du forfait social de 20%. Pourquoi ce surcoût de 20%, non négligeable, n’a eu aucun effet sur l’augmentation des ruptures conventionnelles. La réponse est simple: la rupture conventionnelle correspond à un besoin (pour l’employeur et le salarié) et comme ce besoin persiste la solution de la RC demeure. Le seul effet c’est l’augmentation du coût du travail ! Pour les contrats courts cela sera identique, le besoin existe et s’il demeure le nombre ne sera pas réduit, mais le coût du travail augmentera et donc réduira inévitablement les capacités à embaucher. Cette mesure pourrait donc avec l’augmentation du coût du travail avoir un effet défavorable sur l’emploi !
La réduction de la durée d’indemnisation, réduira le nombre de chômeurs indemnisés mais pas le nombre de chômeurs.
Il y a déjà environ un chômeur sur deux qui n’est pas indemnisé, ce qui montre bien que l’absence d’indemnisation ne peut pas être un facteur déterminant pour la reprise d’une activité, alors que dans le même temps on dénombre environ 500.000 offres d’emploi non pourvues. Une des explications est la bipolarisation du marché de l’emploi, telle que décrite par Patrick Artus dans l’ouvrage collectif “il n’y a pas de fatalité au chômage de masse”. En effet l’évolution du secteur industriel, le développement de la robotisation et l’augmentation d’emplois faiblement qualifiés (et non robotisables) conduisent à d’une part des emplois très qualifiés en forte augmentation et d’autre part des emplois peu qualifiés, avec de faibles rémunérations. La réduction des emplois “intermédiaires” casse la dynamique de promotion sociale, avec un gap trop important entre les deux extrémités du marché du travail. Les effets sociaux sont catastrophiques, avec des taux de chômage très élevés dans certains quartiers ou régions et le sentiment d’être prisonnier ou enfermé dans une pauvreté. Cela alimente le populisme, le refus de la mondialisation et la critique des institutions. Patrick Artus développe dans son dernier livre “et si les salariés se révoltaient”, paru en mars 2018 aux Editions Fayard, son analyse sur cette bipolarisation du marché du travail et sur les conséquences de la montée de l’exaspération des salariés qui se sentent exclus.
Les solutions existent et elles sont plus structurelles qu’une simple taxation ou une modification des paramètres d’indemnisation, en voici quelques unes:
Accompagner les transformations par une meilleure anticipation des besoins en compétences, ce qui nécessite des exercices de prospective partagés entre les différents acteurs économiques et alimentés par des experts
Aider les salariés à une meilleure mobilité professionnelle, en leur donnant la capacité d’agir avec plus d’autonomie et de pouvoir se former sur des compétences nouvelles
Valoriser les emplois faiblement qualifiés, notamment par une augmentation des salaires, mais dans le même temps une baisse des charges qui pèsent sur le coût du travail
Faire évoluer le capitalisme actionnarial, avec une prise en compte plus forte du moyen et long terme et une responsabilisation volontaire des actionnaires sur la raison d’être de l’entreprise qui intègre la dimension sociale
Repenser les procédures de recrutement, ouvrir sur des profils différents, développer la diversité des équipes (genre, âge, expérience, …)
Investir dans la formation professionnelle et l’apprentissage, pour faciliter l’accès à l’emploi et améliorer en permance l’employabilité.
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Il n’y a pas de fatalité au chômage de masseIl n’y a pas de fatalité pour le chômage de masse Le Cercle des Economistes