Chaque révolution industrielle se caractérise par une innovation technologique. La première est liée au développement des machines à tisser, la seconde la machine à vapeur et les chemins de fer, la troisième l’invention de l’électricité, la quatrième l’automobile. La cinquième révolution appelée “digitale” est associée à l’invention de l’ordinateur et l’essor du numérique. Cette association entre révolution et technologie, nous a conduit à penser que l’innovation provient d’un laboratoire ou d’un garage. Un lieu fermé dans lequel s’effectue des expérimentations.
Comment produire des innovations ?
Les entreprises ont compris très vite que la gestion de l’innovation était clé dans la poursuite de leur activité. La création de valeur, la prise de parts de marché, la rentabilité sont très associées à la création de produits et services nouveaux. Par contre savoir comment produire cette innovation a été très souvent un problème. Les grandes entreprises qui ont pendant plusieurs années organisé, rationalisé, hiérarchisé, cloisonné ont vu que les innovations étaient plus fortes dans des structures plus petites: les startups. La solution était donc dans la collaboration avec ces nouvelles entreprises ou l’acquisition de celles-ci. Un peu comme un malade qui se soigne en prenant des médicaments, l’absorption de ces pilules (startups) était une solution pour retrouver une nouvelle jeunesse et faire revenir l’innovation. L’expérience montre que ce n’est pas la solution. Pourquoi la prise de médicaments ne suffit pas pour produire de l’innovation ?
La cinquième révolution n’est pas seulement technologique
La cinquième révolution se différencie des précédentes par la prévalence de l’usage et la dimension collaborative. La numérisation en tant que tel, sans changement d’organisation au niveau de l’entreprise, ne pourrait être qu’un outil pour gagner en productivité et pousser encore plus loin la taylorisation. Ce qui change fondamentalement ce n’est pas la dématérialisation ou la nouveauté de l’outil, c’est l’usage collaboratif. L’innovation technologique n’est qu’un moyen, mais elle prend de la valeur quand cela se traduit dans les usages. Apple l’a bien compris en se focalisant sur l’expérience client. Airbnb est certainement une très belle plateforme technique pour effectuer en toute simplicité une réservation, mais c’est surtout une réponse à des nouveaux comportements. Pour l’entreprise qui veut innover, il n’est donc plus possible d’isoler des chercheurs dans un laboratoire ou un garage. L’innovation vient d’équipes avec des profils complémentaires et avec un fonctionnement ouvert. La note que vient de publier l’Institut de l’Entreprise est à ce titre intéressante.
« Le digital ne se résume pas à faire circuler les données dans des tuyaux, c’est une nouvelle façon de fonctionner, de travailler, de concevoir des produits. » Saad El Garrab, Air Liquide, in Le référentiel de la transformation digitale, 2015
L’innovation est une affaire de culture d’entreprise
Il faut en premier lieu une vision portée par les dirigeants, mais cela n’est pas suffisant si l’entreprise n’est pas dans une culture d’innovation.
L’innovation est parfois associée à la jeunesse. Les faits montrent que des innovations importantes ont été faites par des personnes très expérimentées et que des sociétés comme IBM sont capables d’innover après plus de cent ans d’âge !
L’ouverture vers l’écosystème pour acquérir de la vitesse et de l’agilité
L’ouverture est essentielle, vers les startups bien sûr mais aussi les universités et les PME partenaires. Les relations donneurs d’ordre / sous-traitants doivent être repensées en prenant en compte l’innovation co-construite. Les frontières deviennent plus floues.
« Il faut introduire de l’agilité dans la relation entre le monde de la recherche et les entreprises et pas seulement des partenariats structurés sur la durée. […] Si on ne va pas vite [pour monter la collaboration], on perd l’objectif du projet et sa légitimité dans l’entreprise… » Robert Plana, CTO Innovation, General Electric, Observatoire de l’innovation, juin 2016
Les startups sont accueillies dans des incubateurs et des accélérateurs, pour leur propre croissance mais aussi celle des entreprises qui investissent.
« Appuyons-nous sur des start-up pour changer les pratiques de travail et aller plus vite en interne. […] Cela devrait être une tendance qui dure. » Frédéric Allard, IBM, Observatoire de l’innovation, 2016
Mettre l’usager au coeur du processus d’innovation
L’usage prédomine la technologie. Cela nécessite de prendre en compte l’expérience client.
“Prendre en compte l’expérience client revient à remettre l’humain et la relation client au cœur de l’activité de l’entreprise : il ne s’agit pas seulement de faire des études clients à base de statistiques de comportements et de tendances (signaux forts et faibles sur le marché) mais de s’intéresser aux ressentis, aux désirs et à l’émotion du client autour de la vente et de l’utilisation du produit ou service. Ces éléments doivent être pris en compte avant, pendant et après l’acte d’achat. L’expérience client peut aussi se matérialiser dans la manière d’aborder la conception des produits et services.” page 63 note de l’Institut de l’Entreprise mars 2017.
Ne pas dissocier l’expérience client et l’expérience salarié
Ce que Sodexo a compris très tôt avec l’attention portée aux salariés qui se traduit dans la qualité de la prestation est maintenant devenu un incontournable. Cela s’appelle la symétrie des attentions (interne / externe) ou marketing interne, qu’importe. La fonction de DRH est finalement très similaire à celle du Directeur Marketing, les deux cherchent à connaitre les attentes et les besoins des clients ou des salariés.
« Le plus gros challenge pour réussir l’expérience client, c’est réussir la transformation des organisations en amont » Delphine Vitry, MADnetwork, Observatoire de l’innovation, 2016
En conclusion
L’innovation porte aussi bien sur les technologies que les usages. Cela nécessite une innovation ouverte sur l’écosystème, et inclusive avec des salariés en interne qui sont engagés pour faire vivre la culture de créativité. Si l’innovation se fait dans un garage, prenons le soin de laisser la porte ouverte et si c’est dans un incubateur pensons à en faire bénéficier le plus grand nombre.
Note de Valérie Mérindol pour l’Institut de l’Entreprise: innover en entreprises: de l’incantation à l’action